12. Déterminisme. Croyance au hasard et suprstition. Points de vue (5)

[92] M. Rudolph Schneider, de Munich, a soulevé une objection intéressante contre ces déductions tirées de l'analyse des nombres (R. Schneider. – «Zu Freud's analytischer Untersuchung des Zahleneinfalls», Internat. Zeitsch. f. Psychoanal., 1, 1920). Il prenait un nombre quelconque, par exemple le premier nombre qui lui tombait sous les yeux dans titi ouvrage d'histoire ouvert au hasard, ou il proposait à une autre personne un nombre choisi par lui et cherchait à se rendre compte si des idées déterminantes se prIéentaient, même à propos de ce nombre imposé. Le résultat obtenu fut positif. Dans un des exemples qu'il publie et qui le concerne lui-même, les idées qui se sont présentées ont fourni une détermination aussi complète et significative que dans nos analyses de nombres surgis spontanément, alors que dans le cas de Schneider le nombre, de provenance extérieure, n'avait pas besoin de raisons déterminantes. Dans une autre expérience qui, elle, portait sur une personne étrangère, il a singulièrement facilite tâche, en lui proposant le nombre 2 dont le déterminisme peut être facilement établi par chacun, à l'aide de matériaux quelconques.

R Schneider tire de ses expériences deux conclusions: 1º Pour les nombres nous possédons les mêmes possibilités psychiques d'association que pour les concepts. 2º Le fait que des idées déterminantes se présentent à propos de nombres conçus spontanément ne prouve nullement que ces nombres aient été provoqués par les idées découvertes par l'analyse. La première de ces deux conclusions est parfaitement exacte. On peut, pour un nombre donné, trouver une association aussi facilement que pour un mot énoncé, et peut-être même plus facilement, car les signes, peu nombreux, dont se composent les nombres possèdent une force d'association particulièrement grande. On se trouve alors tout simplement dans le cas de ce qu'on appelle l'expérience «d'association», qui a été étudiée sous tous ses aspects par l'école de Bleuler-Jung. Dans les cas de ce genre, l'idée (la réaction) est déterminée par le mot (excitation). Cette réaction pourrait cependant se manifester sous des aspects très variés, et les expériences de Jung ont montré que, quelle que soit la réaction, elle n'est jamais due au «hasard», mais que des «complexes» inconscients prennent part à la détermination, lorsqu'ils sont touchés par le mot jouant le rôle de facteur d'excitation.

Mais la deuxième conclusion de Schneider va trop loin. Du fait que des nombres (ou des mots) donnés font surgir des idées appropriées, on ne peut tirer, concernant les nombres (ou les mots) surgissant spontanément, aucune conclusion dont on ne soit pas obligé de tenir compte avant même la connaissance de ce fait. Les nombres (ou les mots) pourraient être indéterminés ou déterminés par des idées révélées par l'analyse ou par d'autres idées que l'analyse n'a pas révélées, auquel cas l'analyse nous aurait induits en erreur. On doit seulement se débarrasser du préjugé, d'après lequel le problème se poserait autrement pour les nombres que pour les mots. Nous ne nous proposons pas de donner dans ce livre un examen critique du problème et une justification de la technique psychanalytique concernant l'évocation d'idées liées aux nombres. Dans la pratique psychanalytique on admet que la deuxième possibilité est suffisante et peut être utilisée dans la plupart des cas. Les recherches de Poppelreuter, exécutées dans le domaine et à l'aide des méthodes de la psychologie expérimentale, ont d'ailleurs montré que cette deuxième possibilité est de beaucoup la plus probable. (Voir d'ailleurs à ce sujet les intéressantes considérations de Bleuler dans son ouvrage: Das autistisch undisziplinierte Denken, etc., 1919. Section 9: «Von den Wahrscheinlichkeiten der psychologischen Erkenntniss».)

[93] «Mais l'âme, déjà libre, nage dans l'océan de lumière.»

[94] «Sur le pont de la Bidassoa se tient un saint, vieux comme le monde: de la main droite il bénit les montagnes d'Espagne, de la gauche le pays des Francs.»

[95] Ces idées sur la rigoureuse détermination d'actes psychiques en apparence arbitraires ont déjà donné de très beaux résultats en psychologie et, peut-être, aussi en droit. Bleuler et Jung se sont placés à ce point de vue pour rendre compréhensibles les réactions qui se produisent au cours de l'expérience dite d'association, expérience pendant laquelle la personne examinée répond à un mot prononcé devant elle par un autre mot qui lui vient à l'esprit à cette occasion (excitation et réaction verbales), le temps s'écoulant entre l'excitation et la réaction étant mesuré. Jung a montré dans ses Diagnostische Assoziationsstudien (1906) quel réactif sensible pour les états psychiques présente l'expérience d'association ainsi interprétée. Deux élèves du criminaliste H Gross (de Prague), Wertheimer et Klein, ont fondé sur ces expériences une technique du «diagnostic de la question de fait» dans les cas d'actes criminels, technique dont l'examen préoccupe actuellement psychologues et juristes.

[96] Se plaçant à d'autres points de vue, en a donné le nom de «manie des rapports» à cette interprétation de manifestations insignifiantes et accidentelles.

[97] Les inventions (que l'analyse rend conscientes) des hystériques concernant des méfaits sexuels et horribles coïncident, par exemple, dans leurs moindres détails, avec les plaintes des paranoïaques. Ce fait est remarquable, mais facile à comprendre, lorsque le contenu identique se manifeste également dans la réalité, quant aux moyens employés par les pervers pour la satisfaction de leurs tendances.

[98] Qu'il ne faut pas confondre avec la connaissance vraie.

[99] Cette explication du «déjà vu» n'a encore reçu l'adhésion que d'un seul observateur. Le Dr Ferenczi, auquel la troisième édition de ce livre doit tant de précieuses contributions, m'écrit: «J'ai pu me convaincue, aussi bien sur moi-même que sur d'autres, que le sentiment inexplicable de «déjà vu» peut être ramené à des rêveries inconscientes dont on garde le souvenir inconscient dans une situation donnée. Chez un de mes malades, les choses semblaient se passer autrement, mais en réalité d'une façon tout à fait analogue. Ce sentiment se reproduisait chez lui fréquemment, mais il a été possible de trouver chaque fois qu'il provenait d'un rêve refoulé ou d'une fraction de rêve refoulé de la nuit précédente. Il semble donc que le «déjà vu» peut avoir sa source non seulement dans les rêves éveillés, mais aussi dans les rêves nocturnes.» (J'ai appris plus tard que Grasset a donné en 1904 une explication du phénomène se rapprochant sensiblement de la mienne).

[100] En ce qui concerne le mécanisme de l'oubli proprement dit, je puis donner les indications suivantes: les matériaux de nos souvenirs sont sujets, d'une façon générale, à deux influences: la condensation et la déformation. La déformation est l'œuvre des tendances qui règnent dans la vie psychique et elle frappe surtout les traces de souvenirs ayant conservé une force effective et qui, pour cette raison, résistent davantage à la condensation, sans manifester aucune résistance; mais dans certains cas la déformation frappe également les matériaux indifférents qui n'ont pas reçu satisfaction au moment où ils se sont manifestés. Comme ces processus de condensation et de déformation s'étendent sur une longue durée, pendant laquelle tous les nouveaux événements contribuent à la transformation du contenu de la mémoire, nous croyons généralement que c'est le temps qui rend les souvenirs incertains et vagues. Il est plus que probable que le temps comme tel ne joue aucun rôle dans l'oubli. En analysant les traces de souvenirs refoulés, on peut constater que la durée ne leur imprime aucun changement. L'inconscient se trouve, d'une façon générale, en dehors du temps. Le caractère le plus important et le plus étrange de la fixation psychique consiste dans le fait que les impressions subsistent non seulement telles qu'elles ont été reçues, quant à leur nature, mais aussi en maintenant toutes les formes qu'elles ont revêtues au cours de leur développement ultérieur: particularité qui ne se laisse expliquer par aucune comparaison avec ce qui se passe dans les autres sphères de la vie. C'est ainsi que, d'après la théorie, tout état antérieur du contenu de la mémoire peut être évoqué en qualité de souvenir, alors même que tous les éléments qui conditionnaient ses relations primitives ont été remplacés par de nouveaux éléments.

[101] Voir Traumdeutung, p. 362 (p. 449 de la 5e édition).



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