12. Déterminisme. Croyance au hasard et suprstition. Points de vue (3)

[1] [2] [3]

Il n'entre d'ailleurs pas dans mes intentions d'aggraver les différences, déjà assez grandes, qui existent entre la conception psychanalytique et la conception courante des actes manqués. Je préfère attirer l'attention sur des cas où ces différences se trouvent plutôt atténuées. Dans les cas les plus simples et les moins accentués de lapsus de la parole et de l'écriture, où il s'agit d'une simple fusion de mots où d'une omission de mot ou de lettres, les interprétations compliquées ne sont pas de mise. Du point de vue de la psychanalyse, il faut affirmer qu'il s'agit dans ces cas d'un trouble quelconque de l'intention, mais on se trouve dans l'impossibilité de dire quelle est l'origine du trouble et quel est le but auquel il vise. Il n'a d'ailleurs réussi qu'à manifester son existence. Dans ces mêmes cas, on constate l'intervention de facteurs dont nous n'avons jamais nié l'existence et qui, comme la ressemblance phonétique et certaines associations psychologiques, ne peuvent que favoriser la production du lapsus. Mais, du point de vue scientifique, il est raisonnable d'exiger que ces cas rudimentaires de lapsus de la parole, ici de l'écriture, soient jugés d'après des cas plus prononcés et mieux accentués, dont l'examen a fourni des indications d'une justesse incontestable sur le déterminisme des actes manqués.

VI. Depuis nos considérations sur les lapsus de la parole, nous nous sommes contentés de montrer que les actes manqués ont une motivation cachée, et nous nous sommes servis de la psychanalyse pour nous frayer une voie vers la connaissance de cette motivation. Quant à la nature générale et aux particularités des facteurs psychiques qui s'expriment dans les actes manqués, nous ne nous en sommes guère occupés jusqu'à présent ou, du moins, nous n'avons pas essayé de les définir de plus près de et rechercher les lois auxquelles elles obéissent. Nous ne nous proposons pas d'épuiser ici le sujet, car les premiers pas que nous ferions dans cette voie nous montreraient qu'il doit être abordé par un autre côté. On peut, à ce propos, formuler plusieurs questions que je me bornerai à citer en en montrant la portée:

1° Quel est le contenu et quelle est l'origine des idées ct tendances qui s'expriment dans les actes accidentels et symptomatiques?

2° Quelles sont les conditions nécessaires pour qu'une idée ou une tendance soit obligée de recourir, pour s'exprimer, à cet expédient?

3° Peut-on établir des rapports constants et univoques entre le genre de l'acte manqué et les qualités de l'idée ou de la tendance qui s'exprime dans cet acte?

Je commencerai par citer quelques matériaux susceptibles de fournir les éléments d'une réponse à la troisième de ces questions. En discutant les exemples de lapsus de la parole, nous avons jugé nécessaire de dépasser le contenu du discours intentionnel et de chercher la cause du trouble de la parole en dehors de l'intention. Dans un certain nombre de cas la personne ayant commis le lapsus était parfaitement consciente de sa cause. Dans les cas en apparence les plus simples et les plus manifestes, c'était un autre concept, mais à peu près semblable au point de vue phonétique, qui était venu troubler l'expression, sans qu'on puisse savoir pourquoi le concept avait réussi à supplanter le premier (les «contaminations» de Meringer et Mayer). Dans un autre groupe de cas, l'élimination d'un concept étai, motivée par une considération qui n'avait cependant pas été assez forte pour rendre J'élimination complète (voir le lapsus: zum Vorschwein gekommen): ici encore la personne ayant commis le lapsus a conscience du concept refoulé. C'est seulement à propos des cas faisant partie du troisième groupe qu'on peut dire sans restriction que l'idée perturbatrice ne se confond pas avec l'idée intentionnelle et qu'on peut établir, entre l'un et J'autre, une distinction essentielle. Ou l'idée perturbatrice se rattache à l'idée troublée en vertu d'une association (trouble par contradiction interne), ou bien il n'existe, entre les deux idées, aucune affinité interne, le mot «troublée» étant rattaché à l'idée perturbatrice, souvent inconsciente, en vertu d'un- association extérieure, le plus souvent bizarre. Dans les exemples que j'ai cités et qui sont empruntés à ma pratique psychanalytique, tout le discours se trouvait sous l'influence d'une idée, devenue active au moment où le discours était prononcé, mais complètement inconsciente, et qui trahissait son existence soit par le trouble même qu'elle provoquait (KLAPPERschlange (serpent à sonnettes) – KLEOPATRA), soit par une influence indirecte, en permettant aux différentes parties du discours conscient et intentionnel de se troubler réciproquement (durch die ASE NATMEN au lieu de durch die NASE ATMEN (respirer par le nez); lapsus né à propos du nom d'une rue, HASENAUERstrasse, et en association avec le souvenir relatif à une Française). Les idées réprimées ou inconscientes pouvant donner naissance à un lapsus ont les origines les plus diverses. Cette rapide revue ne nous permet de formuler aucune conclusion générale sur cette question.

L'examen comparé des exemples d'erreurs de lecture et de lapsus calami aboutit aux mêmes résultats. Dans certains cas l'erreur semble résulter, comme les lapsus de la parole, d'un travail de condensation dont les motifs nous échappent. Mais il serait très intéressant de savoir si certaines conditions ne doivent pas être remplies pour qu'une pareille condensation, qui est de règle dans le travail du rêve, mais qui n'est jamais complète dans l'état de veille, se produise. Les exemples que nous connaissons ne nous fournissent là-dessus aucune indication. Mais je m'inscris d'avance en faux contre la conclusion d'après laquelle il n'y aurait pas de conditions de ce genre, sauf un certain relâchement de l'attention consciente; je sais en effet d'une autre source que ce sont précisément les actes automatiques qui se distinguent par leur correction et leur sûreté. Je suis plutôt enclin à croire qu'ici, comme cela arrive souvent en biologie, les phénomènes normaux et se rapprochant de la normale représentent des objets d'étude moins favorables que les phénomènes anormaux. Ce qui reste obscur, lorsqu'on essaie d'expliquer ces troubles, qui sont les plus légers, doit, à mon avis, s'éclairer grâce à l'étude de troubles plus graves.

Même en ce qui concerne les erreurs de lecture et d'écriture, les exemples ne manquent pas où une motivation éloignée et compliquée paraît probable. «En tonneau à travers l'Europe» est une erreur de lecture qui s'explique par l'influence d'une idée éloignée, n'ayant rien de commun avec la lecture comme telle, une idée ayant son origine dans un sentiment d'ambition et de jalousie et utilisant le double sens du mot Beförderung (moyen de transport, avancement) pour se rattacher aux choses indifférentes et anodines qui faisaient l'objet de la lecture. Dans le cas Burckhard, c'est le nom lui-même qui résulte d'une pareille substitution de sens.

Il est incontestable que les troubles de la parole se produisent plus facilement et exigent l'intervention de forces perturbatrices dans une mesure moindre que les troubles des autres fonctions psychiques.

On se trouve placé sur un terrain différent, lorsqu'on analyse les oublis au sens propre du mot, c'est-à-dire les oublis portant sur des événements passés (on pourrait, à la rigueur, ranger à part l'oubli de noms propres et de mots étrangers, sous la rubrique d' «insuffisances momentanées de la mémoire»; et l'oubli de projets, sous la rubrique d' «omissions»). Les conditions fondamentales du processus normal qui aboutit à l'oubli sont inconnues [100]. Il est bon qu'on sache aussi que tout ce qu'on considère comme oublié ne l'est pas. Notre explication ne se rapporte qu'aux cas où 1'oubli suscite notre étonnement, puisqu'il enfreint la règle d'après laquelle seul ce qui est dépourvu d'importance peut être oublié, tandis que ce qui est important subsiste dans la mémoire. L'analyse des cas d'oubli qui nous semblent requérir une explication spéciale révèle toujours et dans tous les cas que le motif de l'oubli consiste dans une répugnance à se souvenir de quelque chose qui est susceptible d'éveiller une sensation pénible. Nous en arrivons ainsi à soupçonner que ce motif cherche à s'affirmer d'une façon générale dans la vie psychique, mais qu'il lui est souvent empêché de s'exprimer, à cause des forces opposées auxquelles il se heurte. L'étendue et l'importance de ce manque d'empressement à se souvenir d'impressions pénibles méritent un examen psychologique approfondi; et il est impossible d'envisager indépendamment de cet ensemble plus vaste la question de savoir quelles sont les conditions particulières qui, dans chaque cas donné, favorisent la réalisation de la tendance générale à l'oubli.

Dans l'oubli de projets, c'est un autre facteur qui vient occuper le premier plan. Le conflit, que nous soupçonnons seulement, tant qu'il s'agit du refoulement de souvenirs pénibles, devient ici manifeste, et l'analyse révèle toujours l'existence d'une contre-volonté qui s'oppose au sujet, sans le supprimer. Comme dans les actes manqués dont il a été question plus haut, on reconnaît ici deux genres de processus psychiques: la contre-volonté peut se dresser directement contre le projet (lorsqu'il s'agit de desseins de quelque importance), ou bien (comme c'est le cas des projets indifférents) elle ne présente aucune affinité avec le projet comme tel, auquel elle ne se rattache qu'en vertu d'une association purement extérieure.

Le même conflit caractérise le phénomène de la méprise. L'impulsion qui se manifeste par le trouble de l'action est souvent une contre-impulsion; mais plus souvent encore il s'agit d'une impulsion tout à fait étrangère, qui profite seulement de l'occasion pour se manifester, lors de l'accomplissement de l'acte, en troublant ce dernier. Les cas où les troubles résultent d'une contradiction interne sont les plus importants et se rapportent également à des actes plus importants.

Enfin, dans les actes symptomatiques et accidentels, le conflit intérieur joue un rôle de plus en plus effacé. Ces manifestations, auxquelles la conscience attache une importance insignifiante, lorsqu'elles ne lui échappent pas tout à fait, servent ainsi à exprimer les tendances inconscientes ou refoulées les plus variées; elles constituent le plus souvent une représentation symbolique de rêves et de désirs.

En réponse à la première question concernant l'origine des idées et des tendances qui s'expriment dans les actes manqués, on peut dire que dans une certaine catégorie de cas les idées perturbatrices viennent des tendances. Égoïsme, jalousie, hostilité, tous les sentiments et toutes les impulsions comprimés par l'éducation morale, utilisent souvent chez l'homme le chemin qui aboutit à l'acte manqué, pour manifester d'une façon ou d'une autre leur puissance incontestable, mais non reconnue par les instances psychiques supérieures. Cette liberté tacitement accordée aux actes manqués et accidentels correspond pour une bonne part à une tolérance commode à l'égard de ce qui est immoral. Parmi ces tendances refoulées, les courants sexuels jouent un rôle qui est loin d'être négligeable. Si, dans les exemples que j'ai cités au cours de cet ouvrage, l'analyse n'a réussi à dégager le facteur sexuel que dans quelques cas très rares, cela tient uniquement au choix des matériaux. Comme ces exemples se rapportent pour la plupart à ma propre vie psychique, ce choix ne pouvait être que partial et viser à exclure tout ce qui pouvait être en rapport avec le domaine sexuel. Dans d'autres cas, les idées perturbatrices semblent provenir d'objections et de considérations tout à fait anodines.

Nous voilà en mesure de répondre à la deuxième des questions formulées plus haut: quelles sont les conditions psychologiques requises pour qu'une idée, au lieu de s'exprimer pleinement et franchement, revête une forme pour ainsi dire parasitaire, se présente comme une modification et un trouble d'une autre idée? Les exemples les plus typiques d'actes manqués indiquent que nous devons chercher ces conditions dans un rapport avec la conscience, dans le caractère plus ou moins accentué de l'élément ou des éléments refoulés. Mais, en suivant la série des exemples, nous voyons ce caractère se résoudre en nuances de plus en plus vagues. Le désir de se débarrasser de quelque chose qui nous prend un temps inutile, la considération qu'une idée donnée ne présente, à proprement parler, aucun rapport avec le but que nous poursuivons – ces motifs, et d'autres du même genre, semblent jouer dans le refoulement de l'idée (qui ne peut alors s'exprimer que sou; la forme du trouble d'une autre idée) le même rôle que la condamnation morale d'une tendance anti-sociale ou qu'une idée provenant d'un ensemble inconscient. Ce n'est pas ainsi que nous pouvons saisir la nature générale du déterminisme des actes manqués et accidentels. Un seul fait important se dégage de ces recherches – plus la motivation d'un acte manqué est anodine, moins l'idée qui s'exprime par cet acte est choquante et, par conséquent, moins elle est inaccessible à la conscience, plus il est facile de résoudre le phénomène lorsqu'on lui prête une attention suffisante; les lapsus les plus légers sont aussitôt remarqués et spontanément corrigés. Mais dans les cas où les actes manqués sont motivés par des tendances réellement refoulées, une analyse approfondie devient nécessaire, et se heurte parfois à de grandes difficultés et peut dans certains cas échouer.

La conclusion qui se dégage de ce que nous venons de dire est que si l'on veut obtenir des notions satisfaisantes sur les conditions psychologiques des actes manqués et accidentels, il faut orienter les recherches dans une autre direction et suivre une autre voie. Le lecteur indulgent est donc prié de ne voir dans ces considérations que des fragments artificiellement détachés d'un ensemble plus vaste, d'une démonstration plus complète.

VII. Quelques mots seulement encore, à titre d'indication relative à la direction qu'il faut suivre pour arriver à cet ensemble plus vaste. Le mécanisme des actes manqués et accidentels, tel qu'il s'est révélé à nous grâce à l'application de l'analyse, montre, dans ses points essentiels, une grande analogie avec le mécanisme qui préside à la formation de rêves, tel que je l'ai décrit dans le chapitre «Travail du rêve» de mon livre sur La Science des rêves. De part et d'autre on trouve des condensations et des formations de compromis (contaminations); la situation est la même, c'est-à-dire qu'elle est caractérisée par le fait que des idées inconscientes arrivent à s'exprimer à titre de modifications d'autres idées, en suivant des voies inaccoutumées, indépendamment des associations extérieures. Les inconséquences, les absurdités et les erreurs inhérentes au contenu du rêve, et à cause desquelles on hésite souvent à voir dans le rêve le produit d'une fonction psychique, se produisent de la même façon, bien qu'avec une utilisation plus libre des moyens existants, que les erreurs courantes de notre vie de tous les jours; ici comme là l'apparence de fonction incorrecte s'explique par l'interférence particulière de deux ou plusieurs actes corrects. De cette analogie se dégage une conclusion importante: le mode de travail particulier dont nous voyons la manifestation la plus frappante dans le contenu du rêve, ne s'explique pas uniquement par l'état de sommeil de la vie psychique, puisque nous observons des manifestations de ce même mode de travail jusque dans la vie éveillée. Cette considération nous interdit également d'assigner pour conditions à ces processus psychiques, anormaux et bizarres en apparence, une profonde dissociation de l'activité psychique ou des états morbides de la fonction [101].

Mais nous pouvons formuler un jugement correct sur le travail particulier qui aboutit aussi bien aux actes manqués qu'aux images dont se compose un rêve, si nous tenons compte de ce fait, scientifiquement établi, qui les symptômes psychonévrotiques, et plus spécialement les formations psychiques de l'hystérie et de la névrose obsessionnelle, reproduisent dans leur mécanisme tous les traits essentiels de ce mode de travail. Mais nous avons encore un intérêt tout particulier à considérer les actes manqués, accidentels et symptomatiques, à la lumière de cette dernière analogie. En les mettant sur le même rang que les manifestations des psychonévroses, que les symptômes névrotiques, nous donnons un sens et une base à deux affirmations qu'on entend souvent répéter, à savoir qu'entre l'état nerveux normal et le fonctionnement nerveux anormal, il n'existe pas de limite nette et tranchée et que nous sommes tous plus ou moins névrosés. Il n'est pas besoin d'avoir une grande expérience médicale pour imaginer plusieurs types de cette nervosité plus ou moins ébauchée, plusieurs «formes frustes» des névroses: des cas aux symptômes peu nombreux ou se manifestant à des intervalles éloignés ou avec une intensité atténuée, donc des cas aux manifestations pathologiques atténuées quant au nombre, à l'intensité et à la durée; il se peut qu'on ne réussisse pas à découvrir précisément te type qui forme la phase de transition la plus fréquente de l'état normal à l'état pathologique. Le type dont nous nous occupons et dont les manifestations pathologiques consistent en actes manqués et symptomatiques, se distingue précisément par le fait que les symptômes se rapportent aux fonctions psychiques les moins importantes, alors que tout ce qui peut prétendre à une valeur psychique supérieure s'accomplit sans le moindre trouble. La localisation contraire des symptômes, c'est-à-dire leur manifestation par les fonctions psychiques les plus importantes, au point de vue individuc1 et social, est propre aux cas de névrose grave et caractérise ces cas mieux que la variété et l'intensité des symptômes pathologiques.

Mais le caractère commun aux cas les plus légers comme les plus graves, donc aussi aux actes manqués et accidentels, consiste en ceci: tous les phénomènes en question, sans exception aucune, se ramènent à des matériaux psychiques incomplètement refoulés et qui, bien que refoulés par le conscient, n'ont pas perdu toute possibilité de se manifester et de s'exprimer.

[1] C'est là le moyen général d'amener à la conscience des éléments de représentation qui se dissimulent. Cf. mon ouvrage – Traumdeutung, p. 69 (5e édition, p. 71).

[2] Une observation plus fine permet de réduire l'opposition qui semble exister, quant aux souvenirs de substitution, entre le cas Signorelli et le cas aliquis . C'est que dans celui-ci l'oubli paraît également être accompagné de la formation de mots de substitution. Lorsque j'ai ultérieurement demandé à mon interlocuteur si, au cours de ses efforts pour se souvenir du mot oublié, il ne s'est pas présenté à son esprit un mot de substitution, il m'informa qu'il avait d'abord éprouvé la tentation d'introduire dans le vers la syllabe ab: nostris AB ossibus (au lieu de: nostris Ex ossibus) et que le mot exoriare s'est imposé à lui d'une façon particulièrement nette et obstinée. Sceptique, il ajouta aussitôt que ce fut sans doute parce que c'était le premier mot du vers. À ma prière de rechercher quand même les associations qui, dans son esprit, se rattachent à exoriare , il me donna le mot exorcisme. Je considère donc comme tout à fait possible que l'accent qu'il mettait dans sa reproduction sur le mot exoriare n'était, à proprement parler, que l'expression d'une substitution se rattachant elle-même aux noms des saints. Il s'agit là toutefois de finesses auxquelles il ne convient pas d'attacher une grande valeur. – Mais rien n'empêche d'admettre que la production d'un souvenir de substitution, de quelque genre qu'il soit, constitue un signe constant, peut-être seulement caractéristique et révélateur, d'un oubli motivé par le refoulement. Cette formation substitutive aurait lieu même dans les cas où les noms de substitution incorrects font défaut: elle se manifesterait alors par l'accentuation d'un élément qui se rattache immédiatement à l'élément oublié. C'est ainsi, par exemple, que, dans le cas Signorelli, le souvenir visuel du cycle de ses fresques et celui de son portrait figurant dans le coin d'un de ses tableaux, étaient chez moi d'une netteté particulière, d'une netteté que n'atteignent jamais mes souvenirs visuels, et cela tant que j'étais incapable de me rappeler le nom du peintre. Dans un autre cas, également rapporté dans mon article de 1898, j'avais complètement oublié le nom de la rue où demeurait une personne à laquelle je devais, dans une certaine ville, faire une visite qui m'était désagréable, alors que j'ai parfaitement retenu le numéro de la maison; juste le contraire de ce qui m'arrive normalement, ma mémoire des chiffres et nombres étant d'une faiblesse désespérante.

[3] En ce qui concerne l'absence d'un lien interne entre les deux suites d'idées dans le cas Signorelli, je ne saurais l'affirmer avec certitude. C'est suivant aussi loin que possible l'analyse de l'idée refoulée au-delà du sujet concernant la mort et la sexualité, on finit par se trouver en présence d'une idée qui se rapproche du sujet des fresques d'Orvieto.

[4] Mon collègue a d'ailleurs quelque peu changé ce beau passage de la poésie, aussi bien dans son texte qu'en ce qui concerne son application. La jeune fille-fantôme dit à son fiancé:

«Meine Kette hab'ich dir gegeben;

Deine Locke nehm'ich mit mir fort.

Sieh sie an genau!

Morgen bist du grau,
[1] [2] [3]



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